"Mais c'est de l'art, ça ?"
C'est précisément là où veut vous emmener l'artiste CB Hoyo.
Vous êtes-vous déjà demandé quels étaient vos critères personnels qui vous permettent de définir si une chose est une œuvre d'art ou pas ?
Est-ce en raison d'un ressenti presque mystique sur lequel vous ne sauriez mettre des mots ?
Ou alors c'est peut-être simplement parce que l'objet en question est présenté selon des codes précis : dans une galerie ou un musée, sur un mur blanc, avec un cartel en bas à droite ? Il est aussi possible que ce soit une question de valeur, car évidemment, un objet quelconque n'a pas forcément de valeur, alors qu'une œuvre d'art en a, elle ?
Hoyo, artiste cubain né dans les années 90, ne se contente pas de jouer avec des couleurs et des formes ; il joue avec des idées. Son travail est une méditation sur des questions philosophiques qui ont tourmenté les penseurs depuis des siècles :
Qu'est-ce que l'authenticité ? Qu'est-ce que la valeur ? Et surtout, qu'est-ce que l'Art lui-même ?
Autodidacte, il a élargi son répertoire pour inclure de tout, de la peinture à l'écriture, en passant par le dessin. Mais ne vous y trompez pas, il n'est pas là pour jouer selon les règles.
Sa série "Fakes" est une sorte de pied-de-nez à l'histoire de l'art. Hoyo interroge ici la notion platonicienne de "forme idéale"*. En réinterprétant des œuvres célèbres, il nous demande si une copie peut avoir autant de valeur que l'original. C'est une question qui remonte à Walter Benjamin et à son essai "L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique". Pour Benjamin, l'original possède une "aura" que la copie ne peut jamais égaler.
On vous conseille d'ailleurs vivement de vous pencher sur ce livre si vous voulez commencer à vous intéresser à l'art contemporain, car cette petite centaine de pages est réellement fondatrice de nombreux mouvements artistiques actuels.
Mais Hoyo nous défie de remettre en question cette idée. Dans un monde saturé de reproductions, l'"aura" a-t-elle encore de l'importance ?
Ces "Corny Quotes" sont une autre couche de son exploration philosophique, ce sont comme des tweets manuscrits sur toile, capturant l'absurdité et la beauté de la vie moderne.
Ici, il s'attaque à la philosophie du langage, à la manière d'un Wittgenstein * de l'ère des médias sociaux. Les mots, écrits à la main sur la toile, deviennent des objets d'art, nous forçant à réfléchir sur le pouvoir et les limites du langage lui-même.
Les citations, souvent introspectives, sont comme des aphorismes modernes qui rappellent les réflexions existentialistes* de Sartre ou de Camus. Elles nous invitent à confronter l'absurdité de la vie, tout en cherchant un sens dans le chaos.
Ce qui est fascinant chez Hoyo, c'est sa capacité à mélanger le personnel et le politique. Il tire de son héritage caribéen, de ses luttes avec la dyslexie, et de son regard sur le monde pour créer des œuvres qui sont à la fois accessibles et profondément réfléchies. Vous n'avez pas besoin d'un diplôme en histoire de l'art pour "comprendre" son travail. Il parle le langage universel de l'expérience humaine. Il critique ouvertement le système de l'art, remettant en question les notions établies d'authenticité et de valeur.
C'est un rebelle avec une cause, poussant constamment les limites de ce qui est acceptable dans le sanctuaire sacré de l'art contemporain. Alors, si vous êtes fatigué des galeries d'art qui ressemblent à des mausolées, donnez une chance à CB Hoyo. Il pourrait bien être le coup de pied dans la fourmilière dont l'art contemporain a besoin.