Imaginez un instant un artiste qui aurait troqué le pinceau pour les gants de boxe, qui prendrait avec la rage d'un punk et la précision d'un poète. Voilà, vous y êtes.
Vous pensiez que l'art contemporain était réservé aux élites, aux initiés capables de déchiffrer le moindre gribouillis comme une métaphore de la condition humaine?
Né dans le Nord de l'Angleterre, à Hull, Culver n'a pas exactement suivi le parcours classique des enfants chéris de l'art contemporain. Pas de diplôme en art, pas de vernissage entre initiés, mais une vie de labeur en usine et des nuits blanches à s'imprégner de la culture underground. C'est dans les vapeurs d'after de raves berlinoise bien glauque comme on aime que Culver a eu son déclic artistique, en tombant nez à nez avec un bouquin de Nan Goldin. L'art, pour lui, devient alors un exutoire, un moyen de canaliser cette énergie brute qui le consume. Ca nous donne une approche pure, presque naïve et improvisée de la création.
Ses toiles ? Des champs de bataille où il affronte ses démons, où il dépeint sans filtre les hauts et les bas de sa vie. Prenez "No one knows me like Dawn from the Jobcentre", par exemple. C'est pas juste une toile, c'est un bout de son âme qu'il étale.Il travaille souvent sur de grandes toiles avec beaucoup d'espace vide. Dans cet espace, des images qui lui viennent dans sa vie quotidienne ou des bribes de
conversation qu'il a entendues sont soudées à du texte. Les titres sont importants pour M. Culver : il les décrit comme un point final après une phrase qui doit être là pour maintenir la peinture ensemble.
Par exemple, une peinture représente un pigeon gris au centre d'une grande toile blanche. Le titre est 'ATHLETES of the day', et en dessous du pigeon se trouve la citation 'Un jour, elle n'est simplement jamais rentrée'. En tant que spectateur, on a presque l'impression d'être dans la pièce avec le voisin de M. Culver et ses pigeons de prix, obtenant un aperçu intime d'une vie très éloignée de celle de la plupart des gens.
Vous sentez la poésie ? La mélancolie ?
"Je n'étais ni musicien ni écrivain et j'avais besoin d'un moyen pour jeter toute cette émotion et cette tristesse refoulées", a-t-il confié au journal Mr. Porter.
L'art de Culver, c'est l'art de la survie, une lutte constante contre les démons intérieurs et les carcans sociaux. "Je voulais peindre dans les zones grises de la culture anglaise. Les choses dont les gens ne veulent vraiment pas parler ou admettre...", a-t-il déclaré à Abstractmag
Pour vraiment saisir l'art de Culver, faut se pencher sur ses œuvres et lire entre les lignes. Chaque phrase, chaque image est un indice, un morceau du puzzle. Comme un DJ qui sample des morceaux de vie pour composer un nouveau track, Culver mixe ses souvenirs, ses galères et ses espoirs déchus pour créer quelque chose de neuf, de brut, de vrai.
Alors, comment on analyse ça ? On se plante devant, on laisse tomber les barrières. On oublie les "doit-on" et les "peut-être que". On regarde le pigeon, on lit la légende, et on se laisse porter par l'histoire qu'elle nous raconte. C'est pas de l'art pour l'art, c'est de l'art qui vit, qui respire, qui parle.
En somme, Richie Culver, c'est l'artiste qui vous prend par les épaules et vous secoue jusqu'à ce que vous voyiez le monde à travers ses yeux. Et si vous vous retrouvez à déambuler dans une galerie, devant une de ses œuvres, et que vous sentez ce petit truc qui vous chatouille l'esprit, c'est que Culver a encore frappé. Car, au final, l'art de Culver, c'est un poing levé contre l'indifférence, un hymne à la résilience humaine.C'est une réflexion sur l'impermanence, sur la fragilité des liens humains à l'ère du numérique. Ses œuvres sont des miroirs de notre société, reflets d'une réalité où l'authenticité se perd dans les méandres des écrans et des faux-semblants.